« La ZLECAf est un formidable stimulant pour les échanges intra africains »Mr. Toufik Hadkeheil Président du cluster algérien des fruits et légumes à l'export
- Création : 30 avril 2024
Selon le président du cluster algérien des fruits et légumes à l'export (Caflex), Toufik Hadkheil, le premier axe sur lequel il faut travailler pour améliorer
le niveau des échanges commerciaux entre pays africains dans l’agriculture et l’agroalimentaire est celui de la logistique. Autrement dit, assurer les moyens de transport des marchandises par voie aérienne, maritime ou terrestre.
Agroligne:Quelle évaluation faites-vous des échanges commerciaux entre les pays africains et l'agriculture et l'agroalimentaire ?
Mr. Toufik Hadkeheil : Les échanges entre les pays africains sont insignifiants en raison de plusieurs facteurs. Le premier résulte du fait que l’ensemble des pays africains ont eu leur indépendance, il y a quelques décennies.
Pour la majeure partie d’entre eux, ils n’ont pas encore réussi à atteindre un taux de développement idoine tant dans le domaine agricole (secteur primaire), qu’au niveau de l’industrie (secteur secondaire) et enfin celui des services (secteur tertiaire). Cette première raison fait que certains pays africains se sont dirigés vers des continents ayant une industrialisation beaucoup plus important afin de pouvoir s’approvisionner en biens et services à l’image de la France, l’Allemagne, l’Espagne, l’Italie, l’Angleterre qui a débuté sa révolution industrielle au 18eme siècle et dont la qualité de son industrie n’est plus à prouver. Nous pouvons en citer des dizaines.
La seconde raison résulte du fait d’une logistique défaillante. En effet compte tenu de l’immensité du continent le taux de couverture routier, aérien, ferroviaire ou bien maritime est très faible en termes de développement intra pays africains.
Un autre point vient se rajouter à cette analyse est que beaucoup de pays africains, ne disposaient pas de moyens financiers suffisants pour assurer un développement important de leurs économies en fonds propres. Ils ont fait alors appel aux crédits auprès des établissements financiers de ces pays pour pouvoir assurer un approvisionnement en termes agricoleset agro alimentaires et ces mêmes banques les ont fortement conseillés de s’approvisionner auprès de ces pays sous réserve d’acceptation de crédit.
Toutes ces raisons font que historiquement parlant, la majeure partie des pays africains ont des échanges commerciaux très faibles intra-africains, (moins de 80 millions de dollars dans le domaine agricole) en total déphasage par rapport au potentiel affiché. (Population de plus de 1.4 milliards de personnes pour 55 pays).
Comment renforcer ces échanges et quelles sont les opportunités à saisir?
Le premier axe sur lequel il faut travailler est qui est le plus important est celui relatif à la logistique par voie aérienne, maritime ou terrestre.La mise en place de la route transsaharienne, « route de l’unité africaine » reliant Alger à Lagos au Nigéria sur une distance de 4800 km. Elle relie six pays africains, ce qui va permettre d’augmenter les opportunités d’échanges et de commerce sur l’ensemble de la région.
La route reliant Tindouf à Nouakchott, lancée en grandes pompes par Monsieur le Président de la République M. Abdelmadjid TEBBOUNE et son homologue Mauritanien le 24 février 2024, sur une distance de 800 km permettra aux opérateurs économiques d’amplifier les échanges économiques entre les deux pays et sur l’ensemble de la sous région.
Le port d’El Hamdania va révolutionner les échanges intra africains. Il sera le premier port en eaux profondes,il disposera de 23 quais et aura la capacité de gérer plus de 6.5 millions de containers par an et 25.7 millions de tonnes de marchandises par an. Il sera le plus grand port en termes de capacités sur le bassin méditerranéen et sera relié aux réseaux ferroviaires ainsi qu’à l’autoroute est ouest et bien évidemment à la transsaharienne.Ce port sera un atout non négligeable pour le développement du commerce intra africain.
Sur le plan aérien, Air Algérie dessert un nombre important de capitales africaines permettant aux biens et aux personnes de circuler à travers énormément de capitales africaines à l’image de Tunis ou de Johannesburg sans oublier Addis-Abeba, ou Bamako tout en développant. Le Hub d’Alger vers des connexions sur l’Asie, l’Europe, le Moyen
Orient. Sur le plan maritime, la CNAN (Compagnie Nationale Algérienne de Navigation), dessert le port de Nouakchott Mauritanie, Dakar au Sénégal, Abidjan, et Lagos au Nigéria, sont dans les programmes de desserte maritime.
Toutes ces actions concrètes de la part de l’État Algérien démontrent bel et bien que le cap est sur l’Afrique tant son potentiel est plus que prometteur. Parce qu’une bonne partie des matières premières recherchés mondialement se situent en Afrique. Une population de 1.4 milliards d’habitants pour laquelle tout reste à faire. C‘est vous dire le potentiel immense que recel ce continent.
Sur quelles filières y a t-il lieu d'axer le travail?
Historiquement parlant, l'Afrique est un gros conso-mmateur de produits agricoles et agroalimentaires mais paradoxalement, elle ne dispose pas ou très peu d’unités de transformations de produits agricoles ou agro alimentaires en raison de ses faibles capacités de stockage.
C’est donc un marché qui jusqu’à présent était importateur pur sauf à quelques exceptions près.
L’Agriculture dans beaucoup de régions d’Afrique est encore pour la majeur partie à un stade archaïque et elle a besoin de l’équivalent d’un plan Marshall de mise à jour afin de pouvoir nourrir correctement le 1.4 milliards d’habitant en 2023 et près de 2.58 milliards en 2050. La partie agricole et agro alimentaire sont deux des axes sur lesquels il faut travailler mais tous les secteurs sont porteurs de plus value pour toute entreprise que souhaite réellement se développer.
Qu'en est-il des perspectives avec la ZLECAf ?
La Zone de Libre Échange Continentale Africaine est l’élément qui nous manquait car toutes les barrières douanières vont disparaitre pour l’ensemble des 55 pays africains.
En second lieu, cette ZLECAf est un formidable stimulant pour les pays membres. La construction des infrastructures aériennes maritimes et terrestres est devenue un facteur prioritaire pour le développement économique des différents pays ainsi que les zones enclavées.
Du fait de l’exonération de droits de taxes et douanières il est beaucoup plus avantageux de construire une usine de véhicules à l’intérieur de la zone ZLECAf plutôt que de l’importer d’un autre continent et de payer ses droits et taxes. Économiquement cela n’est plus viable.
Un potentiel d’échange monstrueux est à nos portes pour alimenter 1.4 milliards d’habitants sur les secteurs agricoles industriels et de services font que la ZLECAf, va emmener vers une nouvelle dimension en développant économiquement ce continent qui sera l’un des moteurs de l’économie mondiale à moyen et long terme.
L'Afrique est riche en matières premières mais elle dépend majoritairement des importations, particulièrement de l'Europe.
Comment assurer l'équilibre des échanges entre les deux continents?
L’Afrique dispose de richesses inestimables et une population qui correspond à 20% de la population mondiale. Le développement de ce continent par le biais de la ZLECAf permettra de construire des usines et des industries, et ainsi développer l’ensemble des chaînes de valeurs nécessaires tant sur le plan macroéconomique que sur le plan micro économique.
Vous l’aurez compris c’est en se développant en interne en atteignant les standards exigés par les pays importateurs qu’elle pourra envisager exporter vers l’Europe et atteindre l’équilibre en termes d’échanges commerciaux.
Source: Entretien publié dans le Magazine agroligne N121.(mars -juin)
Direction rédaction