ABIS, Administrateur, Secrétariat Général du CIHEAM

  • Création : 15 mars 2010

Le CIHEAM a été créé à l’initiative conjointe de l’OCDE et du Conseil de l’Europe en 1962. C’est une organisation intergouvernementale qui réunit aujourd’hui treize États membres du bassin méditerranéen (Albanie, Algérie, Égypte, Espagne, France, Grèce, Italie, Liban, Malte, Maroc, Portugal, Tunisie et Turquie). Il se structure autour d’un Secrétariat général situé à Paris et de quatre Instituts Agronomiques Méditerranéens (IAM), localisés à Bari (Italie), Chania (Grèce), Montpellier (France) et Saragosse (Espagne). Avec au cœur de sa mission de coopération trois grandes activités complémentaires (formations spécialisées post-universitaires, recherches en réseau et animation du débat politique régional), le CIHEAM s’est progressivement installé comme un acteur institutionnel majeur référence dans les domaines de l’agriculture, de l’alimentation et du développement rural durable en Méditerranée. Depuis octobre 2009, le Secrétaire général du CIHEAM est l’espagnol Francisco Mombiela, succédant au français Bertrand Hervieu.

Depuis dix ans, le CIHEAM organise, en liaison avec le pays hôte, une réunion des ministres de l’Agriculture de ses 13 États membres, en y associant de près de nombreuses institutions internationales. Nous tiendrons notre 8ème ministérielle en Turquie, à Istanbul, le 8 mars 2010. Convaincus que la gestion durable des ressources naturelles, en particulier l’eau et les sols, constitue un impératif pour garantir la productivité agricole et pour contribuer au développement des zones rurales, les pays membres du CIHEAM ont décidé de consacrer leur huitième réunion ministérielle au thème stratégique du changement climatique sur les agricultures méditerranéennes.

Agroligne : Les accords de libéralisation du commerce entre l’UE et les pays méditerranéens tardent à se mettre en place, quelles sont les raisons de ces lenteurs ? 

M. Abis : Alors qu’un des objectifs du Processus de Barcelone en 1995 était l’encouragement de la libéralisation des échanges dans la zone méditerranéenne et, à partir de 2005, la création d’une zone de libre-échange à l’horizon 2010, la réalité est que aujourd’hui on est loin d’atteindre cet espace. La libéralisation s’est faite sur la base d’une logique bilatérale, au cas par cas, à travers des Accords d’Association entre l’Union européenne (UE) et chaque pays, et principalement pour le commerce des produits industriels. Ceci a entraîné des relations différenciées selon les pays de la région (par exemple, l’Accord d’Association avec la Syrie n’est pas encore entrée en vigueur). De plus, le climat politique tendu de ces derniers années dans la zone et plus récemment la crise financière et économique mondiale ont ralenti ce processus de libéralisation.

Pour ce qui est l’agriculture, il s’agit d’un des dossiers le moins explorés dans le cadre euro-méditerranéen. Deux raisons principales peuvent expliquer cela. La première tient à la sensibilité des agriculteurs du pourtour méditerranéen qui ont généralement été sceptiques à l’ouverture des marchés, préférant au Nord miser sur la spécificité communautaire et les mécanismes de la PAC et craignant au Sud les effets collatéraux d’une libéralisation des échanges euro-méditerranéens. Les malentendus et les peurs ont dominé alors que les complémentarités et les raisons d’une plus grande coopération régionale peu à peu s’imposaient. Résultat, le dossier agricole fut non seulement cantonné à la seule sphère commerciale mais longtemps sacrifié du processus de négociations au sujet de la libéralisation des échanges. Il fallut attendre 2005 pour que la Commission décide d’ouvrir le chapitre agricole, de manière bilatérale, avec les pays partenaires méditerranéens. En somme, la première décennie du Partenariat Euro-méditerranéen (PEM) s’est contentée d’ignorer l’agriculture alors que cette activité constituait le cœur de métier et le nerf économique de la moitié de la population méditerranéenne située sur les rives Sud et Est. La seconde raison dépasse le cadre euro-méditerranéen, puisqu’il faut reconnaître qu’au tournant du millénaire, et bien que l’on fixait des objectifs de développement ambitieux à celui-ci, l’agriculture était exilée dans les contrées profondes du passé et rarement regardée comme faisant partie de l’histoire à venir... Les secousses alimentaires en 2008, la volatilité des prix agricoles qui s’accentue et la prise de conscience qu’il ne serait peut-être pas possible de nourrir une planète de 9 milliards d’habitants en 2050 sont autant de facteurs qui ont récemment repositionné l’agriculture comme sujet stratégique des relations internationales.

Retrouvez l’intégralité de l’article dans le magazine Agroligne n°72...

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