« Un nouveau programme centré autour de l’olivier est en discussions avancées »

  • Création : 26 septembre 2023

Dans cet entretien, Olivier Rives dresse le bilan du programme d’appui à la filière oléicole menée initialement dans trois wilayas et étalée par la suite à cinq autres. Il affiche sa satisfaction quand aux résultats obtenus et annonce des discussions sur un programme complémentaire qui sera axé autour du cortège de l’olivier après  la fin du premier programme prévu fin 2023.

Pour commencer, quel bilan faites-vous du programme d’appui au secteur agricole dédié à l’oléiculture PASA-Pôle Soummam que vous dirigez depuis son lancement ?

Mr. olivier Rives : Il est toujours très difficile de répondre à une question sur le bilan global pour un programme de coopération. Ceci-dit, pour le programme PASA-Pôle Soummam, on peut tirer quelques enseignements à sept mois de l’échéance. D’abord, il s’agit  d’un programme  de dimension moyenne qui était positionné à 5,8 millions d’euros. Au début, nous pensions que c’était un handicap mais en réalité ça a peut être été un atout  pour la raison suivante : « le fait de ne pas avoir un programme avec un très gros volume de budget a  obligé le PASA et ses partenaires à trouver des solutions ». Les  partenaires se sont impliqués énormément en particulier l’INRA ( Institut National de Recherche Agronomique), l’ITAF ( Institut Technique de l’Arboriculture Fruitière ),  et le ministère de l’agriculture avec son département de formation de recherche et de vulgarisation. Donc globalement, on peut dire que ce programme repose sur un partenariat très dynamique. Par ailleurs en termes de bilan, nous savons que le programme va consommer ses crédits de  façon tout à fait importante et ça c’est un gros atout parce que dans les programmes européens, il n’y a pas toujours eu une bonne consommation de crédits et une bonne utilisation pour le pays de ces budgets. Là, nous pouvons donc se féliciter de ces résultats car nous savons d’ores et déjà que nous sommes au-delà de 80-90% de consommation des crédits à la fin de l’année. Aussi, nous avons des axes forts de capitalisation, nous avons eu une équipe extrêmement tonique d’experts nationaux et internationaux très actifs sur le terrain. Le programme étant situé au cœur de la zone de production à Bejaia implantation stratégique. Enfin, le programme repose sur un cadre logique très intéressant qui était largement conçu et réalisé par les acteurs de terrain notamment  les directions  de l’agriculture et surtout les réseaux des chambres de l’agriculture  au niveau régional.

Quels sont les principaux acquis à mettre en valeur ?

Le premier acquis est d’ordre culturel. Le  PASA a contribué largement à faire évoluer la représentative de l’huile d’olive en Algérie grâce à des diagnostics extrêmement importants et notamment des études de consommation et de marché qui n’avaient pas été réalisées depuis les années 80 et qui permettent de bien connaître le marché domestique et le marché à l’export dont la diaspore en Amérique du nord, au Royaume uni et en Europe. Cette connaissance du marché et cette dimension économique qui a  présidé aux activités du PASA a permis d’exercer le pilotage par le marché. C’est-à-dire que depuis la réalité du marché tel qu’il est que nous avons pu orienter toutes nos actions de l’amont à l’aval, de la pépinière jusqu’à la table du consommateur alors que pourrons-nous retenir d’important ? 

Premièrement, nous avons travaillé sur la montée en compétences des producteurs et des transformateurs (oléifacteurs). Nous avons donc  un  public de 50 0000 oléiculteurs et de  1000 oléifacteurs pour lesquels les grands besoins de montée en compétences intervenaient. Je voudrais en particulier  parler de l’axe d’oxydation sur les olives et sur l’huile. Voilà un élément considéré comme le grand ennemi de  la filière que nous avons essayé de combattre. Nous avons mis sur le terrain 60 conseillers : 40 pour installer les bonnes pratiques dans les vergers et 20 conseillers dans les moulins. Un travail énorme a été réalisé à 100% à partir d’une expertise nationale. Nous avons  mobilisé une centaine d’experts pour réaliser 34 référentiels de formation : 17 sur l’amont et 17 sur l’aval. Ces référentiels ont été utilisés par les 17  formateurs pour former les 60 conseillers qui vont distribuer la bonne parole aux acteurs sur le terrain afin de monter en qualité. Par exemple, nous avons identifié un grand maillon faible dans la filière c’est la durée entre le moment de récolte et de trituration. Dans certains cas,  on stocke les olives dans de grands sacs de 1000 kilos et ça peut durer deux à trois semaines, jusqu’à cinq semaines.

Vous imaginez la fermentation sur les olives et toues les mauvais goûts qui se développent. Il faut donc compresser la durée entre les deux opérations à 48 heures max. Pour cela, il faut s’organiser sur le terrain dans le cadre des coopératives et de petites entreprises en utilisant les peignes vibreurs dont nous avons équipé nos conseillers afin de faire de la démonstration. Deuxième étape, éviter l’oxydation de l’huile elle-même. Pour conserver l’huile dans de bons contenants, il faut rester en milieu anaérobique sans oxygène pour ne pas altérer la qualité de l’huile. Nous avons essayé à travers le dispositif d’appui conseils (DAC) de généraliser les bonnes pratiques dans les vergers et dans les moulins afin d’installer  un nouveau paradigme dans l’espace algérien  à savoir la recherche de qualité. Second axe de progrès, c’est tout l’investissement réalisé dans la station de Takertiez à Sidi Aich  dans la wilaya de Bejaia ou nous  réalisons un laboratoire de référence nationale et internationale avec quatre laboratoires ( analyses primaires, phénols, contaminants et analyses sensoriels). Ils seront accrédités par ALGERAC et soumis à  l’agrément du conseil oléicole international.  Troisième point, nous avons  commandé  une étude à PWC sur le packaging. Deux autres axes de capitalisations me paraissent importants à travers la création de sites pilotes sur le terrain. Dans les trois wilayas d’origine, c’est un élément important  en matière d’aménagement pour renforcer la résilience de nos vergers. Nous travaillons sur un aspect lié à la bioverisité, nous avons un projet en cours avec l’ITAF et le centre de biotechnologies de Constantine  pour procéder à la caractérisation moléculaire des 35 variétés inscrites sur les catalogues et d’une  vingtaine de variétés supplémentaires en cours de certification  afin d’enrichir un nouveau catalogue de variétés qui paraîtra au second semestre 2023  et qui sera un best-seller. Nous aurons aussi une attention particulière aux variétés qui ont une résilience au dérèglement climatique puisque nous avons besoin de s’adapter très vite au changement en cours. Par ailleurs, nous recherchons des variétés oubliées, des variétés endogènes algériennes qui  disposent de grande qualité nutritionnelle. Un groupe travaille sur ce dossier. Dans la filière oléicole, quelle place pour la transformation de manière à contribuer au développement de l'industrie agroalimentaire ? Cette question est au cœur des activités du PASA.

D’abord,  pour la première étape de trituration pour produire de l’huile d’olive, il faut savoir que  nous disposons de 1000 moulins au niveau de la zone étendue, c’est-à-dire les huit wilayas. Sur ce nombre, un peu plus de 300 sont modernes. En réalité, ce sont des moulins en continue qu’il faut opposer aux moulins traditionnels. Nous ne faisons pas du tout du romantise autour des moulins dits traditionnels car malheureusement, ils ne peuvent pas  produire une huile vierge extra adaptée aux nouveaux besoins du consommateur et des marchés internationaux. Ces moulins peuvent dans les meilleurs des cas s’ils répondent aux normes réaliser une huile vierge douce qui correspond aux besoins du marché nationale car le consommateur algérien préfère une huile douce qu’une huile vierge extra qu’il ne connait pas encore suffisamment. Nous avons pour cela des conseillers qui sont sur le terrain et qui vont aider les petits moulins traditionnels à améliorer les bonnes pratiques et l’hygiène  notamment pour le stockage. Nous proposons des groupements en coopératives d’artisans, et il existe déjà une coopérative d’huilerie artisanale dans la wilaya de Tizi-Ouzou qui fait un bon travail pour accompagner les moulins afin de mettre en place ces cahiers de charge mais nous n’avons pas d’illusions sur l’avenir de ces moulins qui à moyen ou à long termes disparaitront sauf quelques-uns qui resteront au titre de musée pour témoigner du passé. En ce qui concerne les  moulins en continue qui sont devenus dans tous les pays du monde une référence pour obtenir la quintessence de l’olive, il y a une variante qui est effectivement à mettre en avant. Ce sont des moulins à deux phases, c’est à dire, ils ont des systèmes extrêmement économes en eau et produisent des sous-produits et des co-produits bien distincts. D’un côté, la pulpe qui peut servir d’aliments de bétail et de l’autre côté les noyaux qui pourront faire du combustible. Les moulins modernes produisent à froid. Ils font dans le malaxage plutôt que dans la pression. C’est la meilleure façon d’avoir une huile qui contient des polyphénols totaux bénéfiques pour la santé. Donc, il faut privilégier la transformation rapide du parc de moulins en moulins continus d’autant plus qu’ils permettent également d’avoir les plus belles palettes d’arôme. 

 La deuxième réponse concerne les co-produits. Les margines et les grignons constituent des sources de pollution pour les rivières, les  cours d’eau et les nappes phréatiques. Vu la concentration de moulins dans la zone de production, il  est important de traiter ces sousproduits. Nous avons de belles initiatives dans ce cadre. Il y a  une coopérative de six moulins qui s’appelle Oléicop Soummam qui va investir environ 700 000 euros et qui dispose maintenant de ses acteurs et de ses fournisseurs. Elle est à la recherche d’un site. Le PASA soutient activement cette initiative. Le projet est déjà monté et le business plan est très solide. Les pouvoirs publics pourraient aider la concrétisation en les aidant à obtenir un terrain. Ce qui permettrait à Bejaia qui est la plus grande wilaya oléicole en Algérie de traiter pré de la moitié des grignons et des margines et d’apporter une grande réponse pour ce qui est des effluents et de créer des richesses, des emplois et des activités mais aussi d’avoir une sorte de transformation ultime des produits grâce à cette unité de valorisation des déchets qui va produire de surcroît du composte à haute valeur environnementale.

Et pour l’huile de grignons ?

Concernant l’huile de grignons, il existait en Algérie deux raffineries qui permettaient d’avoir de l’huile d’olive raffinée à partir d’huile brute de grignons. Aujourd’hui, nous savons produire l’huile brute de grignons mais nous n’avons plus de raffineries. Il s’agit  là de projet industriel très important de l’ordre de plusieurs millions d’euros qui n’a pas pu voir le jour mais pour lequel il y a de belles opportunités à savoir que les huiles brutes de grignons qui seront produites prochainement seront automatiquement exportées par  des importateurs d’Italie et de France qui vont les raffiner avant les revendre. Ces huiles peuvent remplacer les huiles industrielles agroalimentaires notamment l’huile de palme qui est très controversée. Pour résumer, l’huile de brut de grignons raffinée peut trouver sa place dans  un process agroalimentaire. Le programme PASA qui se situe à Bejaia n’est pas par hasard c’est parce qu’Il y a un grand complexe agro industriel qui va d’Akbou au port de Bejaia  ou sont concentrées plusieurs activités industrielles et notamment pour la trituration à partir d’autres matières premières et il y a donc certainement la place pour un projet industriel de type raffinerie et je souhaite vivement qu’on va examiner ces pistes de développement à l’avenir.

Qu’en est-il de l’axe relatif au conditionnement ?

Je voudrais dire que nous avons concernant le troisième point relatif à la transformation commandé une étude à PWC sur le packaging parce qu’il y a un gros problème de conditionnement d’huile d’olive. Il n’y a pas assez de verres en Algérie, il y a deux grandes unités l’une à Oran et l’autre à Chlef mais pas pour l’huile d’olive. Pour l’instant, nous ne les intéressons pas parce qu’il n’y a pas d’achat massif de ces bouteilles (il faut au moins 1 million de bouteilles).  Nous n’avons pas assez de volumes pour les intéresser. Dans un premier temps, nous allons nous orienter vers les métalliers qui  peuvent  produire des emballages allant de 25, 50 à 7 5 cl  en métal ( petits bidons élégants) qui peuvent valoriser les huiles premium et les exporter. L’obsession du PASA c’est de sortir du plastique. Il y a aura une période de transition pour obliger l’utilisation du plastique PET. Il faut absolument sortir du plastique à court ou à moyen terme. Malheureusement, ce sera à moyen terme. Dans la période intermédiaire, nous privilégions le métal et  l’importation de verre sortir du tout plastique. Nous souhaitons qu’un grand message soit porté pour la mobilisation des verriers au profit des acteurs du secteur de l’huile d’olive.

 

Après tous ces éléments de capitalisation, comment s’annoncent les perspectives ?

Le programme PASA a vu l’essentiel de ses objectifs réalisés, ce qui est tout à fait intéressant et original dans un programme de coopération. Ce n’est pas facile mais il faut savoir que ce programme était positionné au cœur de la zone de production avec de multiples partenariats sur le terrain et c’est pour cela qu’il a réussi. Fort de cette expérience, le ministère de l’agriculture, l’union européenne (UE) et les institutions importantes autour de PASA souhaitent donner des perspectives à ce programme puisqu’il  s’achève le 31 décembre 2023.  Une réflexion est en cours sur l’huile d’olive et bien sûr sur l’olivier qui reste au cœur du futur projet mais certainement entouré de ce qu’on pourrait appeler le cortège de l’olivier. A savoir  d’autres productions arboricoles, essentiellement dans la zone de montage dans le Nord-Est de l’Algérie. Dans des régions ou la qualité peut permettre d’apporter une valorisation, des revenus afin de maintenir, voire faire revenir des populations dans ces zones défavorisées des piémonts et des montagnes qui couvrent le NordEst de l’Algérie. Dans ce projet, ne seront pas absents d’autres composants comme les huiles essentielles, l’agri tourisme qui pourrait devenir un complément de revenus pour des exploitations familiales à regrouper dans des coopératives afin d’effectuer la mise en marché. Il est important que  pour obtenir cette valeur dans cette région ou il n’y a pas beaucoup de productivité, il faut arriver à faire un produit de qualité premium. C’est un peu l’orientation vers laquelle PASA PLUS se dirige pour couvrir des zones défavorisées en montagnes autour du concept des exploitations familiales à partir du cœur qui est l’olivier, l’arbre éternel. Ce projet sera très fortement axé sur la résilience au dérèglement climatique, une priorité absolue et il devra  comprendre un grand volet autour de la biodiversité car nous avons la chance en Algérie d’avoir préservé une grande naturalité dans de nombreuses wilayas. Le nouveau programme est en cours de discussions avancées. Il suscite l’intérêt d’une part des acteurs mais aussi des bailleurs et des responsables institutionnels.

Source :rédaction agroligne

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