Il est regrettable que l’agriculteur algérien perde son autonomie semencière

  • Création : 27 mars 2022

Agroligne : Pour commencer, quelles sont les conditions à assurer pour une agriculture durable ?

M. Mohand Salah Hamlaoui : Le potentiel agricole algérien est certes remarquable, en rapport avec la singulière diversité géographique de cet immense territoire

: littoral méditerranéen apte aux productions de primeurs et à la culture de l’olivier, coteaux propices à la viticulture et à l’arboriculture fruitière, hauts plateaux, bénéficiant, pour partie d’une pluviométrie élevée, régions semi-arides et arides aspirant à leurs productions d’extra-primeurs.

Le fait est, l’Algérie peut produire une large gamme de légumes toute l’année. Elle dispose de véritables terroirs à redynamiser car tombée malheureusement à la désuétude. Dans les faits, toutes les zones concernées par les cultures affichent une grande fragilité écologique, qu’il s’agit des montagnes, du cordon littoral, de la zone steppique, des hautes pleines céréalières ou des régions sahariennes. Rapport sol démographie. L’urbanisation :La SAU (surface agricole utile), 0,70 ha par habitant en 1970 à 0.30ha en 2020 et sera de 0, 17 ha/habitant en 2050. La question de leur développement se pose en termes de développement durable.


En outre la menace sur l’écosystème forestier qui se traduit par les incendies qui détruisent annuellement 37000 ha s’ajoute les sècheresses cycliques provoquant
la dégradation des pâturages notamment dans le Sud Ouest de la steppe fortement affecté par la rareté de la ressource hydrique.
Le réchauffement climatique met en péril la capacité de l’agriculture à tirer sa croissance. Rien que pour les trois dernières années, de 2019 à 2021, il a été constaté
pour les céréales une diminution des rendements de 20 à 50%. Comparativement à la moyenne des 20 dernières années.Ainsi pour faire face à ces contraintes de milieu et la raréfaction des ressources, les modalités de réponses capables d’organiser progressivement une agriculture durable, se résument sur un certain nombre de propositions contribuant à favoriser des écosystèmes sains, une gestion durable de la terre, de l’eau et de ressources naturelles garantissant l’émergence d’une nouvelle gouvernance des territoires en impliquant davantage les acteurs privés et publics. Ces propositions
se résument ainsi :

1.Au titre de l’équité territoriale et de gouvernance, l’équité territoriale figure parmi les principes devant guider la politique d’aménagement du territoire. S’agissant de l’agriculture, une première forme d’équité concerne l’aide aux agriculteurs par rapport aux autres missions de l’Etat, qui doit être maintenue. De plus, cette aide, qui traduit une préférence sociale, ne peut garder à long terme sa légitimité que si elle est destinée à soutenir une mission collective de l’agriculture telle que la souveraineté alimentaire. En deuxième lieu, le principe d’équité territoriale amène notamment une logique de péréquation dans l’allocution des ressources en agriculture, logique qui tient compte de l’espace géographique, de l’étendu du territoire et des positions économiques respectives.Ce degré inclus également un degré de discrimination positive pour compenser des handicaps, par exemple détaille, de distance et d’accessibilité aux infrastructures,

2. Entre l’agriculture irriguée et l’agriculture pluviale,rééquilibrer l’aide publique en faveur de l’agriculture pluviale,
3.Entre les programmes d’extension de la SAU par la mise en valeur et la mise en culture des jachères, favorisera mise en culture des jachères,
4.Entre l’irrigation en réseau et la micro-irrigation, favoriser la micro-irrigation,
5.Pour une gestion du sol intégrant la protection du potentiel agronomique,
6.Entre les actions physiques de la régénération des parcours et la responsabilisation des acteurs, favoriser la responsabilisation des acteurs,
7.Entre les productions animales et les productions végétales, soutenir davantage les productions végétales,
8.Nécessité d’une veille stratégique pour l’agriculture oasienne,
9.Consolider l’option agro-sylvo-pastoralisme en zone de montagne,
10.Nécessité d’une veille stratégique pour l’agriculture oasienne,
11.Entre le soutien à l’investissement agricole et la gestion du risque climatique, favoriser la gestion du risque climatique,
12. Eriger les fermes pilotes en leviers d’appui aux systèmes productifs localisés,
13.Examiner l’opportunité de l’agriculture biologique,
14.Entre l’approche territoriale et l’approche sectorielle, admettre la nécessité de l’approche territoriale,
15.Œuvrer au renforcement de la protection des territoires agricoles,

Qu’en est-il de la production de semences dans les filières stratégiques ?

Pour la filière blé dur, la production nationale ne couvre en moyenne que à 40 % de la demande algérienne, alors que cette filière est très encadrée et soutenue par l’État, à la fois en termes de consommation, de transformation, et de production agricole. Ces différentes mesures permettent d’assurer l’écoulement de la récolte et un revenu stable aux agriculteurs. Ceux-ci restent néanmoins soumis aux aléas climatiques car peu de surfaces céréalières sont irriguées. La faible valeur ajoutée à l’hectare, l’encadrement des prix de vente et le risque climatique expliquent la faible attractivité de cette filière pour les investisseurs en agriculture

Il faut savoir que les semences des blés durs, blé tendre, d'orge de légumineuses alimentaires sont produites totalement en Algérie, l’Institut Technique des Grandes Cultures (ITGC) produit annuellement 250 000 à 300 000 quintaux de semences de céréales sur une superficie moyenne de 11 000 ha et 9 906 quintaux de semences de légumineuses alimentaires et fourragères sur une superficie moyenne de 300 ha.

A rappeler   que juste après l’indépendance, les souches locales ou nos variétés hétérogènes ont été substituées par des variétés naines dite à haut rendement (les blés mexicains), il semble particulièrement catastrophique à plusieurs égards à cause de la non-adaptation des variétés importées aux climats et aux maladies spécifiques de certaines régions, ce qui a entraîné de très faibles rendements.

S’agissant de la culture de pomme de terre, éminemment stratégique et à forte valeur ajoutée, le Ministère de l’agriculture et du développement rural, a affirmé que la filière pomme de terre avait utilisé 80% des semences locales pour la production de la pomme de terre destinée à la consommation durant la campagne 2020/2021. Les 20% restant de l’ordre de 120 000 tonnes, l’équivalent de 80 millions d’euros, sont importés. En effet, la réduction de l'importation signifie, la réduction de la facture à raison de 70 millions USD en 2020, et donc l'orientation de l'aide et de l'accompagnement aux producteurs locaux. Le statut non sécurisé du foncier dans cette dernière filière agirait comme un frein à l’innovation et aux investissements de long terme et ferait des opérateurs agricoles en majorité locataires, privilégiant l’autofinancement et qui n’hésitent pas à changer de localité après épuisement des sols, des « jeunes agriculteurs itinérants ».

Comment expliquer la déperdition de la semence locale au profit de l’importation ?

 Il est regrettable que l’agriculteur algérien perde son autonomie semencière. En Algérie, La semence est devenue un « intrant » coûteux que les sociétés semencières cherchent à vendre chaque année aux agriculteurs. Par exemple, les agriculteurs algériens souhaitant cultiver du piment ou de la tomate ou du melon ne trouvent sur le marché que des variétés hybrides* produites par les grandes firmes semencières et le coût par hectare de ces semences est impressionnant : en moyenne 30 000 Da (150 euros) pour la tomate ou le piment, selon les années, Et comme il s’agit d’hybrides, la production baisse nettement si l’agriculteur ressème la production. Il doit donc racheter la semence chaque année. Ces variétés sont sensibles face à un environnement changeant parce qu’elles ont une base génétique étroite. Les grandes sociétés semencières sont, pour la plupart, présentes en Algérie ainsi qu’un grand nombre de commerçants jordaniens. Il convient de noter que la contrefaçon n’épargne pas le marché des semences en Algérie.

L’importation massive et continue de produits alimentaires a eu pour conséquence la dégradation voire l’oubli de races et variétés locales. Depuis les années 80, les chercheurs et agronomes algériens ont pressenti la nécessité de s’occuper des patrimoines génétiques locaux et ont réalisés quelques travaux malheureusement restant éparpillés et non diffusés auprès des acteurs principaux à savoir les agriculteurs, les éleveurs et les fermes pilotes.

L’on peut sérieusement s’inquiéter du manque de stratégique nationale en matière de préservation de ressources génétiques. Malgré tous les travaux menés en ce sens, il semble que très peu de coordination existe entre les instituts détenteurs de banques de gènes. Seules les semences de blé dur échappent à ce constat (Bebachir et Oued Zenati…). Or, sans maîtrise des semences et plants, il ne peut y avoir de maîtrise technique des productions. La maîtrise des semences fait partie des fondamentaux de l’agriculture.

Quelles sont les solutions à adopter dans ce cadre ? 

En premier lieu, il est important de rappeler que la semence est un élément stratégique des systèmes de production agricole : depuis les temps immémoriaux, les paysans ont joué un rôle fondamental dans la domestication des espèces. Nos ancêtres ont pratiqué des sélections principalement massa les mais aussi basées sur des caractères recherchés des plantes entières, caractères parfois associés à des spécificités culturelles des sociétés rurales. Dans des écosystèmes particuliers, ils ont domestiqué un grand nombre d’espèces, avec une multitude de variétés adaptées à des environnements très variés. Il s’agit le plus souvent de « variétés populations » ayant une grande diversité génétique. Elles contribuent encore aujourd’hui à l’alimentation d’une part importante des populations du globe.

Mais l’agriculture moderne tout en améliorant la productivité a fortement réduit la diversité des espèces et des plantes utilisées. Les croisements et l’hybridation ont permis la mise au point de matériel génétique performant et utilisé au niveau planétaire.

Préoccupés par les risques de disparition de certaines espèces, les scientifiques ont encouragé le développement des banques de gènes modernes propositions en matière de collecte, de conservation, de classification et d’évaluation des ressources génétiques des plantes cultivées, et recommandèrent la mise en place d’un réseau mondial.

Une solution peut être la transition vers des systèmes de production agroécologique. Pour ce faire, il y a lieu de créer d’une filière semence locale en Algérie avec l’élaboration d’un programme national de conservation des plantes cultivées et sa mise en œuvre à travers des centres régionaux de ressources génétiques et d’un certain nombre d’instituts spécialisés. Ces organismes auront pour mission de prospections botaniques, de collecte d’échantillons qui concerne les espèces végétales qui seront déposée dans des banques de gènes.

Certaines souches locales encore cultivées sur différents terroirs doivent faire objet de multiplication et d’amélioration pour ensuite les redistribuées dans les milieux adaptés à leurs caractéristiques génétiques. A cet égard :

  • Le choix des multiplicateurs doit obéir à plus de rigueur et de professionnalisme ;
  • Le renforcement des capacités d’usinage et de stockage est une nécessité ;
  • L’expérimentation de nouvelles variétés devant dynamiser la recherche ;
  • La formation et le perfectionnement du personnel chargé de l’encadrement du programme devra être mis en relief ;
  • La promulgation de nouveaux textes juridiques relatifs à la production de semences devra accompagner ce dispositif.

  Par ailleurs, en raison de leur importance tant territoriale qu'agro forestière, les zones rurales et de montagne sont appelées à contribuer davantage à l'économie agricole. Et ce malgré les fortes contraintes et les conditions difficiles, la montagne dispose d'atouts et de potentialités pour la production de produits de qualités, typiques des différentes régions de la montagne.

Dans cette perspective, les produits biologiques représentent une excellente opportunité de marché pour notre agriculture. Un changement dans les comportements des consommateurs dans les pays développés s’est révélé depuis les années 1990. Ces consommateurs sont de plus en plus concernés par la sécurité sanitaire des aliments et de l’environnement spécialement depuis l’avènement de scandales alimentaires répétés.  

Au demeurant, le MADR a déjà épuisé un programme dans cette perspective. Dans le but de préserver et de valoriser des produits du terroir, un dispositif de labélisation et de certification et donc prévu. Il concernera : 

  • Pomme de terre de primeur de Tipaza,
  • Artichaut violet de Relizane,
  • Ail rouge de Skikda,
  • Tomate marmande de Biskra,
  • Huile d’olive (Tizi-Ouzou, Béjaia, Guelma, Skikda, Khenchla, Setif),
  • Olive de table (Relizane, Mascara, Tlemcen), « produit labélisé en "IG" 2016 »
  • Figue sèche de Béni Maouche, « produit labélisé en "IG" 2016 »
  • Deglet Nour (les Zibans Biskra). « Produit labélisé en "IG" 2016 »

A titre d’illustration, la Tunisie est déjà fortement engagée dans cette voie.une loi promulguée en 2000 en a marqué officiellement la naissance.

Depuis les développements enregistrés sont encourageant. Le nombre de producteurs bio est passé de 10 en 2000 à 7970 en 2018 et les superficies ont dupliquée durant cette même période passant à 335556 hectares.

Aujourd’hui pour être compétitif, il ne suffit plus de maitriser les coûts de production et de comprimer les prix de vente, mais il devient impératif d’adopter une stratégie de différenciation de ces produits. Il s’agit principalement de mettre sur le marché des produits dans la qualité et la spécificité sont internationalement reconnues. A cet effet l’écolabellisation devient une condition indispensable pour accéder aux marchés étrangers des produits agricoles.

Une politique nationale a donc été envisagée pour organiser ce secteur en vue essentiellement d’exporter des produits Algériens. Le lancement des labels "figue sèche de Béni Maouche, Olive de table (Relizane, Mascara, Tlemcen) et Deglet Nour" (les Zibans, Biskra), ouvre la voie à d’autres zones de montagne s'agissant de la labellisation et de la certification de leurs produits de terroir.  Cependant, il revient à l’Etat d'assurer le maintien et le développement d'une agriculture diversifiée, tournée vers la production de produits de terroirs et les savoir-faire qui y sont liés. A cette fin, les producteurs, collecteurs, transformateurs, exportateurs, agents de vulgarisation et de contrôle de qualité, consommateurs doivent être informés et formés sur les bonnes pratiques agricoles, le respect des normes et standards et la démarche qualité.

Source : Rédaction agroligne

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