Atmane KOUIDER, Gérant de la Société Essences d'Algérie
- Création : 26 novembre 2016
Dans le cadre du dossier économie Figue de Barbarie, un cactus source de richesses paru dans le numéro 100, l'équipe d'agroligne a tenu a avoir l'avis de M. Kouider Atmane, gérant de la société Essences d'Algérie sur toutes les procédures relatives à la certification. Elle est revenue avec cet entretien.
Agroligne: Vous avez une longue expérience dans l'exportation des huiles. Pouvez-vous nous en parler ?
M. Kouider Atmane: plusieurs années, nous avons exporté des huiles essentielles et des produits dérivés, tels que des parfums naturels, des huiles de massages et autres. Nous avions en Algérie une gamme de près de 100 produits et quelques 300 autres en Tunisie. Notre spécialité est en fait la cosmétique naturelle réalisée à partir d’huiles essentielles et d’hydrolats. Nous n'avons pas investi dans la production d’huiles végétales pressées mais avons par contre distillé quelques espèces telles que le Romarin, la Menthe, l’Eucalyptus…
Est-il obligatoire d'être certifié pour pouvoir exporter vers l'Europe ou ailleurs dans le monde ?
Pas nécessairement ! Il y a en fait deux marchés : le conventionnel et celui des produits bio. Si le premier impose très peu de conditions aux agriculteurs et aux entreprises, le 2ème par contre est plus exigeant mais aussi plus rentable. Nous, dans notre expérience d'export, nous travaillions avec deux clients principaux qui exigeaient la mention Bio. Cela n'allait pas du tout à l’encontre de nos valeurs ; bien au contraire, nous avons toujours prôné le respect de la nature et de l’environnement… Nos clients sont arrivés même jusqu'à nous proposer leurs propres organismes certificateurs. Nous avions réussi à obtenir plusieurs types de certification Bio en cosmétique et en alimentaire selon les standards Européens (EU), Américains (NOP) et même Japonais (JAS) de la part de divers organismes (Suisse, Allemand, Français et Américain). Aujourd’hui les certifications Européennes et Américaines sont pratiquement équivalentes.
En Tunisie, nous avions eu également la certification européenne ISO 22716: 2007 GMPC (Good Manufacturing Practice for Cosmetics), devenue indispensable pour exporter des produits cosmétiques en Europe et hautement souhaitable dans d’autres pays. La certification devient aujourd'hui presque une nécessité au vu la croissance ultra rapide du marché des produits Bio. L'avoir, c'est être à la page avec la demande mondiale et multiplier ses chances d'avoir une clientèle assurée à ses produits. L'Algérie a toutes les conditions favorables pour investir dans la culture Bio. En tant que plus grand pays d’Afrique, elle possède des terres à perte de vue, dont la plupart sont vierges et n'ont jamais été cultivées. En Algérie, nous n'avons pas encore partout le problème rencontré dans certains autres pays du monde qui ont cultivé leur terres en conventionnel et les ont empoisonné avec des pesticides et les produits chimiques et qui sont obligés de passer aujourd’hui par de longues et coûteuses périodes de transition afin que les terres puissent faire la conversion au Bio. Il faut donc agir très vite pour battre de vitesse le processus de pollution des terres. C'est vraiment le moment d'investir dans ce secteur et de répondre à la demande mondiale de produits sains et Bio.
Quelles sont les conditions demandées pour avoir cette certification ?
Il faut tout d'abord faire appel à un organisme certificateur et répondre au cahier des charges qu’il présente en fonction du type d’activité : Production, process, vente. Un des problèmes qui se pose aujourd'hui en Algérie est l'absence de ce type d'organisme, obligeant l'agriculteur et/ou l'investisseur dans les produits naturels à aller vers des organismes étrangers ; chose qui s'avère très coûteuse. D'ailleurs dans ce sens, il n'y a aucune raison pour que l’Algérie reste totalement dépendante d’organismes certificateurs étrangers, européens ou autres. Créer un centre Algérien de certification et nos propres certificateurs est largement à notre portée en tant que nation regorgeant de compétences dans tous les domaines.
Vous avez parlé de coût élevé de la certification. Elle est à combien ?
En plus de la paperasse obligatoire et justifiée, la certification, bien qu'elle soit annuelle, coûte relativement cher. En plus du prix de la certification elle même, le demandeur doit prendre en charge tous les frais relatifs au déplacement du certificateur et sa prise en charge totale durant toute sa période de séjour. Cela a été le cas pour nous, que ce soit en Algérie ou en Tunisie. Elle nous a coûté dans les environs des 2000 euros sans compter les frais du séjour du certificateur. En tout, elle tournait autour d'une bagatelle de 4000 à 5000 euros par an. Une somme qui en fait n'est pas à la portée de tous, encore moins des simples agriculteurs, les TPE et PME. Une intervention de l'état pour la certification est, je dirais, indispensable, pour faire du Bio une priorité nationale, évaluer la demande en Bio dans les marchés internationaux tous secteurs confondus, répercuter cette demande sur les producteurs Algériens, faire connaître la valeur du Bio auprès du public et inspirer les producteurs par des incitations concrètes, telles que la formation et la prise en charge des frais de certification ainsi que de tous les frais supplémentaires liés au Bio. Ce serait un investissement minime pour l’Etat mais qui certainement rapporterait gros pour tout le pays. Le Bio c’est l’avenir…