Hamid Aït Amara, enseignant d'économie agricole à l'Université d'Alger
- Création : 31 juillet 2008
Quelles sont les retombées pour l’Algérie de la flambée des prix des produits alimentaires et que préconisez-vous comme remède ?
L’Algérie a suivi la politique de l’OMC depuis 1995, en gelant d’abord les prix des céréales. Depuis cette année, les prix des blés dur et tendre et de l’orge achetés aux producteurs n’ont pas bougé. Une petite augmentation de 5% en 2006 et une autre de 2,5% en 2007. Le prix réel est en déflation et une baisse du pouvoir d’achat de céréales de plus de 60% a été relevée. Dans le même temps, on a augmenté le prix des tracteurs, de l’outillage agricole et les prix des engrais. Ce qui fait que la marge brute, c’est-à-dire la valeur du produit diminuée des inputs qui ont servi à produire, a fondu. Et la rentabilité de la céréaliculture a été divisée par deux. Voilà la politique algérienne que personne ne souligne. Il faut revenir à une politique nationale de
développement agricole qu’il faut construire avec des paysans en les motivant et en leur donnant les moyens.
Selon votre analyse, l’Algérie est donc condamnée à importer ses produits alimentaires ?
Le problème de l’importation, c’est la dépendance alimentaire. Les pays excédentaires ont accepté de fournir le marché mondial à des prix inférieurs de 30% aux coûts de production, et ils ont payé de leur poche. Chaque jour, ce sont des centaines de milliards d’euros qui sont dépensés pour alimenter le marché mondial à des coûts très bas. A un moment donné, ils ont décidé de vendre au prix de revient à la production. C’est tout à fait
légitime. Ces pays ont donc besoin de l’OMC pour dire aux pays ayant de faibles productivités d’arrêter de produire. Et ils ont trouvé des relais dans des pays comme le nôtre pour nous dire qu’il faut adhérer à l’OMC. Et tout ce discours creux, néolibéral, a détruit tout le système productif algérien et nous a rendus dépendants à 100% des hydrocarbures.
Vous préconisez le retour à des politiques nationales. Que faut-il pour développer le secteur agricole algérien, et quelle évaluation faites-vous du PNDRA ?
Les premiers qui sont retournés à des politiques nationales sont les Etats-Unis, la Nouvelle-Zélande, qui fournit des viandes bon marché, le Brésil, qui a d’immenses territoires à cultiver, l’Argentine et l’Australie. Ce sont eux les premiers mécontents qui ont fait l’OMC agricole. Tout le monde revient au protectionnisme. L’Algérie doit cesser de se faire dicter sa politique de l’extérieur. Les Tunisiens viennent d’augmenter les prix des céréales d’un coup à 450 dollars la tonne pour le blé dur et 400 dollars pour le blé tendre. Et nous, on attend la récolte. Pourquoi attendre la récolte pour annoncer l’augmentation des prix. Quand on augmente les prix aux producteurs, on les encourage à produire davantage. Si on baisse les prix comme on l’a fait, de 1995 à 2007 où les agriculteurs avaient perdu 70% de leur pouvoir d’achat, ils ne sont pas incités à produire les céréales. On nous dit que l’Etat a beaucoup investi ces dernières années dans l’agriculture. Le PNDRA représente 3% du PIB agricole (PIBA). Pour la Tunisie et le Maroc, c’est 6%. Donc, on est loin d’avoir fait un effort exceptionnel en matière d’investissement dans le secteur. Certes, nous n’aurons pas l’autosuffisance alimentaire, mais nous ne serions pas dans une dépendance aussi grave, que celle d’aujourd’hui. L’Algérie a la
chance de ne rien exporter pour le moment, pourquoi alors avoir besoin de l’OMC, qui est un instrument de domination des plus forts pour soumettre les économies des plus faibles.
Source : www.algex.dz