Le gouvernement cherche à capter l’argent de l’informel : Ira-t-on vers une amnistie fiscale ?
- Création : 14 avril 2015
Le tarissement des ressources issues des hydrocarbures inquiète. Au-delà des arbitrages et de la rationalisation des dépenses de l’Etat qui s’érigent aujourd’hui comme l’évidence même afin de faire face à la chute des cours du brut, les pouvoirs publics lorgnent à présent la masse monétaire échappant au canal bancaire et formel.
 Si le Premier ministre a insisté sur la nécessaire captation des 40 milliards de dollars circulant dans le circuit informel, les mesures à prendre en ce sens demeurent un mystère, ou presque, tant que la préparation du texte de la LFC 2015 est encore à la phase des consultations entre les différents départements ministériels. La conférence nationale sur le commerce extérieur tenue la semaine dernière à Alger a constitué une tribune pour relancer l’idée d’une amnistie fiscale encourageant ainsi les opérateurs de l’informel à revenir dans la légalité.
Idée qui a d’ailleurs été relayée par le vice-président du CNES, Mustapaha Mékidèche, qui a plaidé lors de son passage à la Radio nationale pour cette «solution», afin de bancariser les immenses ressources circulant dans le marché informel et les injecter dans le secteur productif. Et ce fut au tour de l’AFP de jeter un pavé dans la mare en reprenant en fin de semaine les propos d’un «expert sous le couvert de l’anonymat» qui pense que «le gouvernement envisagerait désormais un plan d’amnistie fiscale pour absorber ces liquidités».
Cependant, et si le problème de l’informel se pose avec acuité et que la nécessité d’y remédier fait consensus, la question de l’amnistie fiscale est loin de faire l’unanimité, aussi bien du côté des opérateurs économiques que de celui des économistes. Bien au contraire, d’autant que l’efficacité d’une telle mesure seule est sérieusement mise en doute. C’est le cas notamment du côté du Forum des chefs d’entreprises. Le vice-président du FCE, Brahim Benabdesselam, nous explique que l’organisation patronale plaide plutôt pour une réforme fiscale et un assainissement fiscal qui permettraient de capter l’argent du marché noir vers le circuit économique. Il s’agit, selon lui, de procéder à l’assainissement, à réintégrer cet argent et le taxer à un taux relativement bas.
Il propose le taux de 10%, à titre d’exemple, ce qui aura, selon M. Benabdesselam, le double avantage d’apporter de nouvelles ressources au budget de l’Etat, tout en asseyant une certaine traçabilité à ces flux ayant échappé jusque-là à toute forme de contrôle. Et de préciser qu’il ne s’agit nullement de tenter de capter des ressources issues d’activités criminelles, mais plutôt de récupérer les revenus des activités commerciales informelles. Le vice-président du FCE estime dans ce sens que c’est un choix à faire. Et d’ajouter qu’il faut une décision courageuse dans ce contexte particulier.
De la nécessité d’une réforme fiscale
L’économiste tient à préciser au passage que dans le cadre d’une étude réalisée pour le compte de l’IFRI, en 2012, son groupe de recherche était arrivé à la conclusion que le secteur informel captait 50 milliards d’euros au lieu des 37 annoncés récemment par le Premier ministre. Et d’enchaîner que pour éradiquer l’informel, il ne suffit nullement de s’attaquer aux petits vendeurs à la sauvette, mais aux gros bonnets de l’import et gros monopoles du marché des textiles, des produits maraîchers, du marché des viandes et poissons.
L’économiste va plus loin, indiquant qu’il faut en premier lieu des réformes profondes devant permettre à la sphère productive de prendre le pas sur la sphère marchande aujourd’hui dominante. Pour lui une vision économique claire est nécessaire pour permettre la transparence et une meilleure gouvernance. Des conditions à même de rétablir la confiance Etat-citoyen et d’inciter l’investissement dans la sphère productive. Selon M. Mebtoul, une amnistie fiscale n’est rien sans une vision, une politique économique qui encouragent la production nationale.
Un point de vue partagé par le délégué général de l’Association des banques et établissements financiers, Abderrezak Trabelsi, lequel pense qu’une amnistie fiscale n’est au final qu’un instrument qui va de pair avec une politique économique globale axée sur l’entreprise et sur la production. Il estime ainsi que l’informel est le fruit d’une politique fiscale laxiste.
Il plaide pour une refonte de la politique fiscale, afin de renverser la tendance et encourager la production au détriment de l’importation. Le délégué général de l’ABEF estime aussi qu’il faut se donner les moyens de cette politique, de même qu’il pense qu’il faut doter les banques de la place des outils à même de leur permettre de capter la masse monétaire circulant dans l’informel et de la bancariser.
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