Agriculture méditerranéenne : les trois défis de la mondialisation
- Création : 7 mars 2011
Par Jean-Louis RASTOIN Article tiré de : Perspectives des politiques agricoles en Afrique du Nord. Paris (France) : Ciheam/Afd, 2009 - 238p. (Options Méditerranéennes : Série N. Etudes et Recherches, n°64) Abis A., Blanc P., Lerin F., Mezouhaghi M. (coords). Les numéros du Titre Options Méditerranéennes sont accessibles en ligne à l’adresse suivante :
http://www.ciheam.org/index.php/fr/publications/options-mediterraneennes
Nourrir « durablement » une population en forte croissance
Dans le système alimentaire, la question des Hommes est doublement critique : par la consommation et la production. La fonction de consommation alimentaire est vitale et concerne l’ensemble de la population. En définissant la Méditerranée comme la zone constituée des pays riverains, on peut distinguer la rive Nord, avec 8 pays appartenant à l’UE (Chypre, Espagne, France, Grèce, Italie, Malte, Portugal et Slovénie) et les deux autres rives, avec 16 pays du Sud et de l’Est de la Méditerranée (PSEM : Albanie, Algérie, Bosnie-Herzégovine, Croatie, Égypte, Israël, Jordanie, Liban, Libye, Maroc, Mauritanie, Monténégro, Palestine, Syrie, Tunisie et Turquie), soit au total 24 pays. |
Les pays méditerranéens rassemblent en 2010 près de 500 millions d’habitants et, en 2030, horizon raisonnable de la prospective, un peu plus de 580 millions, soit une progression en une génération de 17%, essentiellement imputable aux PSEM (+ 25%, alors que la moyenne mondiale se situe à + 20%). Outre le défi quantitatif, les PSEM devront résoudre un grave problème qualitatif. En effet, sous l’effet de la mondialisation, le modèle de consommation alimentaire s’est profondément transformé dans les 50 dernières années dans ces pays et tend à rejoindre le modèle dit « occidental » avec des impacts négatifs sévères dans un scénario « au fil de l’eau » puisque l’on passe d’un régime nutritionnellement excellent (la fameuse « diète méditerranéenne ») à un régime hypercalorique et glucidique, générateur d’un cortège de pathologies (obésité, diabète, maladies cardio-vasculaires, cancers).
La population des PSEM subit une autre transition : le passage d’un habitat rural à un habitat urbain, impulsé par une société de production et de consommation de masse. Les villes qui regroupaient 50% de la population en 1990 vont en héberger 65% en 2030. Cependant, à la différence des pays de la rive Nord de la Méditerranée, les PSEM verront leur population rurale (à 80% agricole) continuer d’augmenter en valeur absolue, passant de 116 millions de personnes en 2005 à 126 millions en 2025, pour amorcer ensuite un lent déclin. Ce phénomène conduit mécaniquement à une réduction de la surface agricole par actif et rend difficile la modernisation du secteur et en conséquence la réduction de la pauvreté, facteur essentiel de l’amélioration de la situation alimentaire.
L’émigration est un moyen « contraint » d’échapper au carcan de la pauvreté. Elle se chiffre à environ 65 millions de personnes en 2004 pour l’ensemble de la planète dont 7 millions pour les PSEM. Deux pays se détachent : le Maroc, avec près de 3 millions de personnes, soit l’équivalent de 9% de sa population en 2004, et la Turquie avec 3,5 millions, soit 4,5%. Cette émigration concerne principalement les zones rurales. La création de plusieurs dizaines de millions d’emplois en zone rurale dans les PSEM représente ainsi un objectif prioritaire très lié à celui de la sécurité alimentaire. |
Intégralité de cet article dans le magazine Agroligne N°77...