Dattes : la production nationale reste insuffisante

  • Création : 1 septembre 2008

Les consommateurs se rabattent sur des produits importés et moins chers. Une virée du côté du célèbre quartier Omar Bnou Khattab (ex-Derb Milan), sis à Derb Soltane, à Casablanca, permet de se rendre compte que la production nationale de ce fruit, indispensable durant le Ramadan, est insuffisante face à la forte demande pendant ce mois sacré.

En effet, le Maroc importe des dattes d'un peu partout à travers le monde et même des contrées aussi lointaines que les Emirats arabes unis, l'Irak et le Chili. Il ne demeure pas moins que l'essentiel de nos importations de ‘'ce must'' du mois de jeûne nous provient du pays des deux fleuves du Tigre et l'Euphrate ainsi que de la Tunisie.

Sur place, des étalages de dattes colorent l'entrée des magasins: Madjhoul (doté d'un noyau très fin et représentent les dattes les plus chers et de meilleurs qualité du marché), Jihl, Sayyer, Boufgous, Bouslikhène… Les clients ne peuvent pas faire un pas dans le marché sans qu'un vendeur ne les sollicite en leur faisant l'éloge de sa marchandise. «Notre marchandise arrive directement de Zagora sans escale», avance Hamid Irgui, un quinquagénaire originaire de la fameuse oasis du Sud.

Nos récoltes ne sont traitées avec aucun produit chimique ou additif». Et de poursuivre, non sans un brin perceptible de fierté: «Nous avons, sans exagérer, les meilleurs dattes du pays». Dans le souci de se distinguer un peu des concurrents sur place, Hamid Irgui ne manque pas d'arguments pour faire valoir la qualité de ses stocks: «Contrairement aux autres, nous écoulons les dattes de la récolte de la nouvelle saison». Les clients sont sensibles au «discours» du ‘'maître vendeur'' et l'un deux n'a pas hésité à lui couper la parole : «Combien coûtent ces dattes Jihl de Zagora par exemple?».

«24 DH», rétorque le vendeur, sûr de lui. Sans aucune gêne, l'acheteur potentiel lui répond: «Un peu cher quand même!». Hamid perd un peu son sang-froid et se lance de nouveau dans un monologue sans fin: «Je ne comprends pas les personnes qui font ce genre de remarques sur les prix en ignorant tout sur la chaîne de production». Et d'ajouter : «Ça se voit qu'ils ne sont pas au courant de toutes les charges que nous payons pour leur apporter des dattes de qualité. Les clients ne se posent jamais de questions sur l'itinéraire parcouru ni les frais engagés pour l'approvisionnement du marché». Continuant sur sa lancée, Il explique qu'il fait le tour de tous les souks de la région de Zagora, d'Agdz et d'Ouarzazate pour acheter les dattes qui sont souvent payées au prix fort en fonction des variétés.

Cette opération durait des semaines, voire même des mois. Pour ce qui des préparatifs pour le Ramadan 2008, Hamid explique qu'il a commencé à se préparer, en compagnie de son frère, depuis la fin du mois de mars. «Nous avons sollicité toutes les personnes qui avaient les ‘'meilleures variétés'' puisque les clients marocains exigent de la qualité. Ensuite, nous avons stocké tous les achats en attendant l'approche du Ramadan. Vingt jours avant le début du mois sacré, j'ai effectué le départ vers Casablanca en compagnie d'autres marchands. Nous avons loué ensemble un camion moyennant 3 DH le kg transporté».

Malgré les quatre tonnes de dattes provenant de Tafilalet et huit autres tonnes de Zagora qui s'écoulent chaque semaine au grand marché de Casablanca, les dattes importées sont omniprésentes. Et tout le monde ne se réjouit pas de cette situation. C'est le cas de Mohamed Benhmida, importateur originaire de Zagora, qui trouve malheureux le fait de continuer d'importer des dattes de mauvaise qualité de l'Irak. «L'Etat devrait avoir une politique claire envers les producteurs en les soutenant dans les périodes de sécheresse auxquelles ils font face, seuls et impuissants», estime-t-il. «Ce sont les petites exploitations qui ont besoin de l'aide de l'Etat car elles représentent l'essentiel de la production nationale», ajoute-t-il.

Et justement, la production nationale est difficilement perceptible au souk face au grand choix de dattes étrangères de tous les calibres et marques aussi prestigieuses les unes que les autres.

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Les «irakiennes» au top !
Le commun des mortels, connaissant le relief et la météo du Maroc, serait sidéré de savoir que les dattes irakiennes sont les plus prisées au marché des dattes de Casablanca au détriment de la production nationale.

En effet, les dattes du pays du Tigre et l'Euphrate, que la plupart des spécialistes jugent de mauvaise qualité, s'arrachent contre la modique somme de 14 DH le kilogramme, contre 20 DH/kg pour les dattes égyptiennes. Les dattes tunisiennes sont écoulées contre 26 DH/kg. Et il faut un dirham de plus si nous voulons nous offrir les succulentes dattes saoudiennes. Les fameuses Deglet Nour tunisiennes et algériennes sont respectivement vendues à 26 et 32 DH.

Les dattes de chez nous s'écoulent entre 20 et 30 DH. L'insuffisance de la production nationale des dattes peut s'expliquer par différents facteurs comme le souligne Abdessamad Rifai, producteur originaire de Risani : «Nous avons connu une période de sécheresse sans précédent lors de cette dernière décennie.
Nous n'avons reçu aucune aide des pouvoirs publics malgré nos multitudes doléances». En connaisseur, Rifai lance un cri d'alarme en expliquant que la filière des dattes va connaître plus de difficultés durant les années à venir si rien n'est fait de la part de l'Etat pour la sauver de cette agonie insupportable.
«Nous rencontrons beaucoup de problèmes: il y a des gens qui volent des palmiers pour les planter dans les complexes touristiques pour servir de décoration».
Et de continuer: «Notre pouvoir d'achat est tellement faible que les dattes sont devenues un produit de luxe».

Mohand Mellal
Source : www.lematin.ma

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