Jean-Louis GUIGOU, Délégué Général de l'Institut de Prospective économique du Monde méditerranéen (IPEMed*)

  • Création : 20 octobre 2008

Un mois avant le lancement du projet historique d’Union pour la Méditerranée, l’Institut de Prospective Economique pour le Monde Méditerranéen, la CCI de Montpellier et KPMG ont organisé un débat pour comprendre les enjeux de cette nouvelle étape, dans l’indispensable rapprochement des deux rives de la Méditerranée. 
Le débat à Montpellier a mis l’accent en particulier  sur le projet de « Pacte agroalimentaire » entre les agricultures et les industriels des deux rives de la Méditerranée, qui ont intérêt à s’allier pour rechercher de meilleures complémentarités, promouvoir conjointement leurs produits et rechercher un développement plus équilibré des territoires.

A cette occasion, nous avons décidé d’interroger Jean-Louis Guigou, ingénieur agronome, agrégé d’économie, professeur d’université et ancien haut fonctionnaire. Chargé en 2002 par le ministre français des Affaires étrangères d’une mission d’identification et valorisation des scientifiques travaillant sur la Méditerranée, il a ensuite monté l’Institut de prospective économique du Monde méditerranéen (IPEMed), dont il est le délégué général.

Agroligne : A la veille du Sommet de Paris du 13 juillet sur la Méditerranée où 44 Chefs d’Etat ont été invités à se pencher sur l’Union pour la Méditerranée, pourriez-vous nous donner votre point de vue concernant l’insécurité alimentaire qui règne sur les pays de la rive sud ?

M.Jean-Louis GUIGOU : L’Institut Agronomique de Montpellier et le CIHEAM ont mis en avant l’insécurité croissante sur le plan alimentaire de la rive sud qui, en l’espace de 20 ans, est passée de 40 % de dépendance  extérieure à 80 % à l’heure actuelle. Cette situation est d’autant plus dramatique que les pays de la rive qui ont un faible pouvoir d’achat (3.000 dollars par tête et par an comparé au 30.000 dollars par tête et par an pour la rive nord) sont confrontés à la hausse mondiale des cours des matières premières et des cours des produits alimentaires de base (céréales, lait, huile, viande). Déjà de nombreuses révoltes ou jacqueries alimentaires sont apparues en Egypte, en Tunisie et au Maroc. Afin de maintenir le cours de ces produits alimentaires de base à un niveau abordable, tous les pays du Sud ont mis en place des caisses de compensation pour l’année 2008. Pour le seul Maroc, pour l’année 2008, cette compensation est de 3 Milliards de dollars, ce qui est un niveau exorbitant et qui nuit aux investissements et au développement de ce pays. Sans aucun doute, les Chefs d’Etat, réunis à Paris le 13 juillet, devront aborder ce sujet qui est politiquement explosif. Ceci d’autant plus qu’il y a une étonnante complémentarité entre l’agriculture des deux rives de la Méditerranée.

Agroligne : Comment s’explique la complémentarité, notamment dans le secteur agricole, entre les deux rives de la Méditerranée ?

M.Jean-Louis GUIGOU : La complémentarité s’exprime par le calendrier et les origines climatiques. Elle s’exprime aussi par les différentes productions. Par exemple,  les pays du Sud produisent de l’huile et des agrumes et le Nord produit du lait et de la viande beaucoup plus facilement.

A l’échelle mondiale, l’Europe et la Méditerranée constituent des espaces complémentaires et non concurrents. Même sur des produits comme les fruits et légumes, les agriculteurs du Midi ont tout intérêt à accepter une large ouverture des frontières. Certains d’entre eux sont déjà installés dans la rive sud de la Méditerranée pour assurer une production en continu tout au long de l’année. Tel est le cas de l’entreprise BOYER, qui, à proximité de Toulouse, a su s’assurer la participation d’un atelier de production en Andalousie, un autre dans la plaine du Sous au Maroc et un autre en Egypte.

A l’horizon de 2030 – 2040, quand il faudra alimenter 480 millions d’Européens et 480 millions d’Arabes plus Israël et la Turquie, il y a de la place pour tout le monde. Que l’on se rappelle les craintes en 1984-1986 lors de l’introduction de l’Espagne et du Portugal. Ces craintes ne se sont pas avérées fondées et tous les agriculteurs, y compris ceux du Midi, ont su profiter de ce vaste marché.

* IPEMed (Institut de Prospective Economique du Monde méditerranéen) est un think tank international qui rassemble des experts, des industriels et des politiques de tous les pays de l’UE, de la Méditerranée occidentale et orientale. Son objectif est de rapprocher, par l’économie, les deux rives de la Méditerranée. Ce think tank international s’est donné les principes suivants : l’indépendance politique, la parité Nord-Sud dans les structures, la priorité donnée à l’économie et le travail dans la durée.

Retrouvez l’intégralité de l’article dans le magazine Agroligne n°64...

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