Omar MESSAOUD, Enseignant Chercheur à l’Institut Agronomique Méditerranéen de Montpellier (CIHEAM - IAMM)

  • Création : 12 juillet 2007

Pour un développement de l'Agriculture Maghrébine, il faut des politiques fortes, qui se dessinent dans le cadre de nouvelles stratégies.

Agroligne : Face au défit de la mondialisation, de la globalisation... comment penser l'avenir de l'agriculture Maghrebine ?

M. Bessaoud : Le 1er défi concerne la question des hommes. C'est à dire l'emploi, les revenus et l'amélioration des conditions de vie de ces agriculteurs qui constituent d'un point de vue politique, une force de stabilité. Il faut donc asseoir une stabilité sociale, une stabilité du système politique qui éviterait, et qui désamorcerait en partie, les difficultés que vivent aujourd'hui ces pays sur le plan politique.

Il faut des politiques fortes, qui se dessinent déjà dans le cadre de nouvelles stratégies (stratégie de développement rural en Algérie, politiques et stratégies de la Tunisie dans le cadre du 10ème plan et du futur 11ème plan), afin de compenser ses insuffisances des politiques antérieures, réduire le dualisme et améliorer les conditions de vie de cette majorité d'exploitants familiaux et agricoles, qui constituent la grande majorité des ménages. Finalement c'est s'occuper des agricultures pas considérés comme « utiles », a l'instar de l'agriculture moderne.

Il y a aussi des gisements importants qu'il ne faut pas déconsidérer et qui ont permis de développer au Maroc par exemple, un élevage ovin (de race locale), source de richesse et de biodiversité qui a approvisionné les marchés, employé, et qui a coûté très peu au budget de l'Etat.

Comment combiner justement élevage, culture céréalière, intervenir pour améliorer, pour favoriser et diversifier les activités ? On a des produits de qualité, des produits typiques, des savoir-faire locaux éprouvés,  des techniques efficaces localement (dans le domaine des façons culturales). La question est de savoir, comment introduire dans les politiques agricoles maghrébines, cette dimension qui est celle des agricultures familiales, la valorisation des savoir locaux, des ressources locales. Ce sont toutes ces considérations qui devraient être prises en compte, canaliser par les politiques et la puissance publique.

Un immense effort doit également être fait en matière de recherche et de formation et notamment en matière de formation professionnelle. On a formé des milliers d'ingénieurs et de techniciens mais il faut former aussi les agriculteurs. Tout ceci afin de rapprocher agriculteurs et chercheurs et surtout afin d'obtenir des révolutions techniques silencieuses (comme cela se fait dans le domaine de l'élevage ovin) faciles à conduire et peu coûteuses par rapport aux autres techniques importées.

Le troisième aspect me semble très important. Je parlais au départ de notre entretien, de la contrainte naturelle et de la dotation en sol, il faut savoir qu'aujourd'hui les ressources en sol et en eau sont gravement menacées et que la région - les sécheresses répétées en sont le signe- le changement climatique est une réalité vécue depuis plus d'une décennie dans nos pays. La Tunisie est arrivée presque au bout de ses ressources en eau, elle mobilise 80 % de son potentiel et sera en danger selon les prévisions dès 2025, aussi bien pour les consommations domestiques, qu'agricoles et industrielles. On a des problèmes sérieux d'exploitation minières des nappes, des problèmes de salinité et d'érosion fortes en Algérie et au Maroc.
C'est une question quasiment politique, comment assurer la durabilité de cette ressource naturelle. Même s'il y a des signaux faibles qui indiquent que ces problèmes sont identifiés (plan de l'environnement, programme...), il faut aller beaucoup plus loin. Le stade des réflexions et des stratégies-programmes doit trouver son prolongement  à présent dans des actions concrètes, car c'est l'avenir des territoires agricoles et ruraux et leur pérennité qui sont en jeu.

Tout cela, il faut le voir par rapport au défi de la libéralisation et de la mondialisation. Quel est l'avenir de ces millions d'agriculteurs face à la compétition et la concurrence. Face à la mondialisation, c'est la souveraineté, l'identité et l'existence même de ces pays et de leurs territoires qui se jouent. Ce défi majeur, exige des réponses que les politiques publiques actuelles devraient prendre en charge par une mobilisation sociale plus forte.

Intégralité de l'interview dans le Magazine Agroligne N°56...

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